Entretien Nadin

Sébastien Nadin 
Artiste-peintre

“La peinture m’a canalisé”

Laora Hostin : Bonjour Sébastien Nadin.

Sébastien Nadin : Bonjour.

LH : Pouvez-vous nous décrire vos tableaux à l’Exposition-Vitrine ? Quelle a été votre inspiration ?

SN : Et bien, les œuvres que je présente font partie d’une série de tableaux sur laquelle je travaille depuis une dizaine d’années, qui sont inspirés par les animaux et la nature. Vous pouvez voir à l’Exposition-Vitrine : “Poissons raz de marée en bleu”, “Chat rêvant de chats” et “Le voile d’Isis en bleu” qui représente une petite étude de fleurs. Ces toiles sont des œuvres figuratives. Le poisson est plutôt la synthèse entre l’art traditionnel des tapis persans et la peinture New Yorkaise des années 50 de l’école de New York. C’est-à-dire aussi de l’art ornemental mais plus abstrait ; je les réinterprète de manière figurative avec des motifs colorés […] qui sont le fruit de mon imagination. Ce ne sont pas des poissons réalistes hein, les gens reconnaissent la figure du poisson et en même temps ces poissons n’existent pas… C’est un tableau qui peut permettre le repos, la contemplation et l’apaisement.

LH : Les visiteurs ne savent pas vraiment ce que c’est ?

SN : Voilà. Et le côté ornemental doit être le prétexte pour une forme de contemplation. C’est ce qui m’intéresse dans la peinture.

LH : Et pour le chat ?

SN : Alors le chat est plutôt inspiré de l’art traditionnel des Egyptiens parce que c’est un animal sacré qui a été peint pendant des siècles. J’essaie d’en faire une figure à la fois symbolique, c’est-à-dire une sorte d’icône, en même temps c’est le chat familier. C’est un personnage.

LH : Oui, domestique.

SN : Oui ! Il a une personnalité. Et les deux figures du dessus, ce sont d’autres chats qui sont plus stylisés à la manière des Égyptiens. Le troisième tableau est une étude figurative de fleurs. En ce moment, je travaille d’après la nature, j’essaie de revenir à des “choses” faites d’observation. 
Cependant, sur ce tableau présenté à l’Exposition-Vitrine, il ne s’agit pas d’un tableau fait d’observation parce que je l’ai conceptualisé avec mon univers et mon imaginaire. 
J’envisage de poursuivre mon travail en faisant du dessin anatomique, académique ! Cela débouchera sur une longue série de tableaux. 

LH : C’est intéressant, comment vous voyez-vous évoluer dans le futur ?

SN : Actuellement,  je vous l’ai dit au début, je pars du dessin d’observation, je prépare des tableaux figuratifs, avec une observation minutieuse de la réalité. Ainsi, je dessine, le processus est identique à ce que j’ai appris aux Beaux-Arts. Dans mes compositions, j’intègre des expériences picturales antérieures. Il s’agit de tenter une synthèse des courants principaux de l’art moderne européen : le côté avant-gardiste, l’abstraction… L’idée est d’intégrer ces courants à une peinture plus classique dont les bases fondamentales ont été établies à l’Antiquité et réactualisées à la Renaissance vers le XV, XVIème siècle. C’est une forme de néo-classicisme du XXIème siècle que j’aimerais entreprendre. Les sujets seront des natures mortes, des paysages et quelques portraits avec des grandes scènes… Ce travail durera environ deux ans. Il débouchera sur une exposition qui, je l’espère, sera appréciée par le public.  

LH : Vous avez étudié aux Beaux-Arts de Paris ?

SN : Oui, entre autres…

LH : J’aimerais bien savoir comment ça s’est passé, comment les études se déroulent-elles à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris (ENSBA) ? 

SN : L’ENSBA de Paris est une école où l’admission se fait par le biais d’un concours. Les études se déroulent de la manière suivante : deux ans qui servent à se familiariser avec l’école. Les étudiants valident des UV (unités d’enseignement). Je me souviens qu’il y avait sept ou huit UV (unités d’enseignement) dont 50% étaient théoriques et 50% pratiques. Les UV de travaux pratiques sont par exemple : le dessin, la mosaïque, le vitrail, la fresque.

LH : La sculpture, ça marche aussi ?

SN : La sculpture, c’est un département à part dans l’organisation de l’école. Vous avez plusieurs départements : la peinture, la sculpture, maintenant il y a la photographie et je crois qu’il y a même
l’infographie. En l’occurrence, j’avais opté pour le département peinture
Concernant la peinture, les étudiants se trouvent dans un atelier, nous avons un “chef d’atelier”, on peut en avoir deux. En général, ce sont des peintres de la tendance actuelle qui sont nommés directement par les ministres. C’est une des particularités de l’ENSBA. Les professeurs des Beaux Arts sont issus du milieu de la peinture. Pour en revenir au cursus, les étudiants passent cinq années dans les ateliers qu’ils ont choisis, la seule contrainte : montrer ses propres œuvres et en discuter avec le chef d’atelier et les étudiants. Dans l’atelier où nous montrons nos œuvres, nous réfléchissons sur l’aspect théorique avec l’ensemble des personnes présentes. La technique, quant à elle, nous est enseignée dans des cours et des ateliers spécialement consacrés à ça.

LH : Oui.

SN : Il est vrai que la technique de la peinture n’est plus vraiment transmise dans les ateliers actuellement. C’est plutôt la création en tant que telle qui y est abordée.

LH : D’accord.

SN : Vous voyez.. C’est-à-dire qu’on passe beaucoup de temps à discuter en fait. Après, bon, c’est une école dans laquelle on est assez libre. Cela me correspondait parce que je n’étais pas très scolaire. Je dois dire que la pratique de la peinture m’a canalisé. Je me souviens que la seule contrainte, vraiment, c’était de présenter ses œuvres et de réussir les UV théoriques. C’était agréable d’avoir des amis peintres dont certains ont continué avec talent comme par exemple François Nugues. 
Au départ, les peintres n’étaient pas majoritaires à l’ENSBA, et encore moins aujourd’hui, parce que la pratique de la peinture est difficile, elle demande beaucoup de temps et de travail.  Aujourd’hui, avec tous les médiums que l’on a à disposition tels que la photographie etc., les étudiants vont plutôt  vers ces disciplines.. Je ne pense pas qu’ils choisissent la facilité, mais bon, ils s’orientent vers ces nouvelles technologies. 
Concernant l’apprentissage, l’ENSBA reste quand même un conservatoire des traditions picturales. Cela s’explique parce que c’est une école académique à rayonnement international. C’est pour cette raison que les grandes villes conservent malgré tout une école des Beaux Arts… Voilà. Pour ma part, j’y ai appris la fresque traditionnelle comme cela se faisait dans l’Antiquité, c’est-à-dire avec les enduits (à chaud, à froid), j’y ai également appris la mosaïque romaine, etc.

LH : Donc pleins de choses.

SN : C’était intéressant. J’ai gardé le contact avec deux ou trois amis peintres qui continuent de peindre, qui sont tous à Paris et c’est bien parce que ça permet l’émulation.

LH : C’est ce qui vous semble important ?

SN : Oui voilà, cette émulation est importante. Le peintre est souvent isolé dans son atelier alors c’est vrai que garder le contact avec quelques amis peintres est primordial.. Nous ne travaillons pas comme les musiciens ou les danseurs, eux travaillent en groupe.

LH : C’est beaucoup plus sociable la musique.

SN : Peut-être, disons que mon métier se fait en solitaire et que par exemple les gens de théâtre montent une compagnie, en général. 

LH : Pratiquez-vous beaucoup le dessin ?

SN : Le dessin, oui, enfin je pratique à nouveau le dessin d’observation parce que justement j’envisage d’exposer comme je vous l’ai dit au début de l’entretien.

LH : Vous vous servez des nouvelles technologies ?

SN : Non, non, non au crayon à papier avec mon carnet, enfin, j’ai fait des tests sur les ordinateurs, ça m’est arrivé, mais disons que je suis assez classique. Et puis, j’aime dessiner, je pense qu’on peut s’exprimer juste avec un papier et un crayon, vous voyez ?

LH : Oui, je suis d’accord avec vous. Merci beaucoup d’avoir répondu aux questions.

SN : Et bien c’était avec plaisir.

Par Marie Grommier

 

 

Communication assistant Laora Hostin 
Assistant graphic designer Laureline Guglielmi
Sous la direction artistique de Marie Grommier

“Exposition-Vitrine” 3 juin – 31 juillet 2021
CMSO, 49 cours d’Albret Bordeaux
Commissaire d’exposition Marie Grommier,
Tel : 06 43 28 15 08